Humeurs

Rondeurs…

22 avril 2020

« Qui  me reprochera d’être sensible ? Peut-être celui qui en a profité ? »
Théâtre de Jean Giono … (édition 1950)

 

Un monde étrange…

Cinq semaines d’un univers décalé, constellé d’anxiétés diverses et de tant de tristesse.

Je me fiche des statistiques, savoir que telle proportion était âgée, que telle autre souffrait de pathologies diverses, chaque personne fauchée par ce virus a laissé derrière elle un deuil qui n’a pu s’accompagner de façon tendre et unie…

Les actualités nous ont déversé tant et tant d’informations anxyogènes, blanches, noires, les visages ont été si sombres, qu’il a fait bon parfois s’accrocher aux traits d’humour partagés sur les réseaux sociaux, à la solidarité touchante que tant de personnes ont su mettre en œuvre autour de cette crise, à l’imaginaire et à toutes les petites fantaisies qui se sont échangées pour rendre le confinement moins difficile à supporter. Il faut cependant se souvenir, je pense, qu’en d’autres temps, (mais également ailleurs en ce moment dans ce monde),  l’espace s’est étriqué de manière immensément plus douloureuse pour des hommes, des femmes et des enfants, durant des mois, des années, et ceux qu’elle a marqué ont gravé leur mémoire dans l’histoire …

Ce que nous vivons est à mille lieues de ce que nos anciens ont parfois vécu, mais nous n’avons pas été préparés à un évènement aussi troublant..

Étrange, ce sentiment de chaos parfois, face aux avenues et aux cœurs de villes désertés, aux autoroutes étonnamment calmes, aux magasins d’alimentation rythmés par les entrées et sorties de clients gantés et masqués… Toute une relecture de notre quotidien tel que nous le connaissons habituellement, une sorte de mise sur pause, vécue à travers le prisme de notre propre sensibilité…

Le cycle de la nature, lui, continue. Et fort heureusement.

Le printemps s’annonce tout en délicatesse, s’ébrouant sans doute sans oser exploser trop fort… Chacun peut essayer d’y puiser un autre regard, un peu de paix, une forme d’introspection silencieuse et percevoir peut-être, cet équilibre délicat qui nous entoure, que nous oublions bien souvent d’observer, tout auréolés de stress et d’habitudes que nous sommes…

Hier, le ciel était gris, dedans, dehors, plein de frissons humides, un ciel balançant entre regrets et soulagement de ne pleurer que quelques larmes. Elles étaient par ailleurs en accord avec mes ressentis, à la fois lourds et en même temps si pleins d’un souffle léger. Pour la première fois depuis bien longtemps, l’espace, même gris, m’est apparu sous l’angle d’une douceur absolue, une tranquillité feutrée, et j’ai adoré me balader dans le jardin, échappant au présent, choisissant d’observer les rondeurs des formes pour les graver d’une certaine manière ici…

Je crois que tout peut se partager. Même en ces temps sombres. Le gai, le triste, les mots, le silence, les regrets, la colère, la douceur, la douleur. Chaque sensibilité a droit d’existence.

Tout peut se partager pour se comprendre. S’écouter. Se lire. S’entendre. Se mettre à la place de l’autre.

Observer la pluie, les rondeurs de la vie, je choisis pour ma part de le faire à travers le prisme de toutes ses faces : le passé, le présent, l’avenir, qu’il soit fait de joie ou de chagrin.

Tout peut se partager pour mieux exister. Du moins c’est mon avis…

Être soi. Être Libre. Libre d’être gai. Libre d’être triste. Libre de rire de la vie. Ou d’en pleurer.

La liberté est une valeur pour laquelle je me suis battue en tant que femme. Longtemps… Les cicatrices que m’ont laissé ces luttes feront éternellement partie de moi, de la personne que je suis devenue et pour rien au monde je n’y renoncerai.

Cette liberté est portée  par ma sensibilité, s’exprimant en photographies, en textes, par l’intermédiaire de la cuisine, des créations et des nouvelles que j’écris.

Quand à la sensibilité, je l’offre aux gens que j’aime, et je l’exprime ici depuis des années, même si certaines pauses ont du me permettre de reprendre mon souffle. Cela fait quelques mois que ma respiration reprend, en femme libre. Rose. Bleue. Grise. Sombre . Ou ensoleillée.

Sensible, assurément. Et fière de l’être.

En ces temps troublés, prenez soin de vous. Et des vôtres…

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4 Commentaires

  • Répondre Françoise 23 avril 2020 à 8 h 38 min

    Merci pour ce message profond et ces photos prises sous un angle différent et où transparaît la vie intense de la Nature… l ‘Homme en fait partie…
    Belle journée

  • Répondre nat 23 avril 2020 à 9 h 24 min

    Françoise : merci pour votre message. Ce « tout » oui dont nous faisons partie. Si beau. Espérons qu’après cette période si particulière nous nous en souvenions pour que ce « tout » existe mieux qu’avant… Avec davantage de douceur, de couleurs et de bienveillance…
    Belle journée.

  • Répondre Nadia 26 avril 2020 à 21 h 08 min

    Merci à vous ce texte si beau et si agréable à lire. Vos photos sont magnifiques. Prenez soin de vous. Bonne soirée à vous.

    • Répondre nat 27 avril 2020 à 18 h 08 min

      Nadia : merci pour vos petits messages saupoudrés ça et là… Prenez soin de vous également…

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