J'ai lu et je vous en parle

« Grands Chefs » par Jean François Mallet…

14 novembre 2010

J’ai repéré une première fois sa couverture presque incongrue au milieu d’une centaine d’ouvrages culinaires divers, représentant Paul Bocuse, épaule gauche dénudée, posant, un sourire aux lèvres, dans une attitude où affleurerait presque un soupçon de féminité…

Je suis restée un instant surprise, observant cette photographie noir et banc bordée d’une marge orangée et suis restée sur ma réserve.  Nous avons tous  une attirance pour une certaine harmonie, en accord avec ce qui nous ressemble et nécessairement plus de distance lorsque cette harmonie ne vous aborde pas de manière évidente. Ai-je seulement feuilleté l’ouvrage ce jour là ? Sans doute pas.

Quelques jours plus tard, j’ai croisé à nouveau le regard sombre de Paul Bocuse posant sur cette même couverture, et je ne saurais dire pourquoi, cette fois, j’ai poussé la porte…

Quand on est comme moi, un peu dingue de l’univers culinaire photographique, lorsque l’on peut passer des heures à feuilleter des livres de cuisine dans une grande librairie en quête de la petite vibration qui vous donne envie de les emporter, quand notre imagination de passionnée nous transporte et nous fait pénétrer les pages que l’on découvre, le temps s’arrête. Les gens qui vous effleurent par manque de place, la musique d’ambiance, les cris, les rires, les sons parasites, tout cela n’a plus de consistance. J’en oublierai le temps, le temps qui passe et le temps qu’il fait…

J’ai poussé la porte de « Grands Chefs ». J’y ai découvert une intimité troublante et je n’ai tout d’abord pas compris pourquoi. La force, la vérité des photographies, leur énergie, l’insolite côtoyant l’ordinaire, les regards, les gestes, l’ambiance, une certaine distance et une intense proximité.

Je n’ai pas compris pourquoi cet univers me bousculait et me prenait de cours avec autant de force.

Je n’ai pas compris pourquoi, en découvrant cet ouvrage, j’ai eu le sentiment réel de passer dans les coulisses des grandes cuisines par la « petite » porte…

Il y a dans « Grands Chefs » (Editions de La Martinière) un regard si particulier, une approche si impliquée, si instinctive, que l’univers photographique qui nous est offert devient presque palpable…

Après avoir lu l’anecdote relative à la photographie de couverture, la préface et l’interview de Jean-François Mallet, auteur et photographe, j’ai compris…

Son objectif porte une âme de Chef, un vécu de l’intérieur qui n’exploite pas l’image mais l’offre, la restitue dans tout ce qu’elle porte d’émotions, de vitesse, d’urgence, de logique. Les instantanés ne sont pas choisis, ils vous sautent au regard comme des évidences.

Des couvercles de casseroles à la sauce, de la plonge au dressage, de la brigade aux Chefs, les regards, les postures, les sourires, les énergies se croisent et s’entrecroisent… On y est… On y vit…

Des années au milieux des fourneaux de grands Chefs sont offertes dans ce livre. Un reportage à la fois puissant et discret, comme s’il avait fallu se  fondre dans le décor pour parvenir à rendre un réalisme aussi intime, mêlé de fierté et de tendresse.

Autour de ces Chefs, des plats sublimes, des consistances, des couleurs et des saveurs que l’on pourrait imaginer. Pas de mise en scène qui finit souvent pas tuer le plat photographié. Pas de fioritures. La beauté des dressages est bien là, l’équilibre est parfait, et l’ensemble se savoure avec beaucoup d’émotions…

Bouleversée à la vue de certaines des photographies de Jean-François Mallet ? Oui. Car secrètement, je poursuis un jour le rêve de me fondre  au cœur d’une grande cuisine. Juste quelques instants. Juste pour regarder. Juste pour ressentir.

D’une certaine manière, Jean-François Mallet vient de me faire ce cadeau…

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2 Commentaires

  • Répondre mallet JF 5 mai 2014 à 23 h 40 min

    Merci pour ce beau papier au sujet de mon livre, je le découvre simplement aujourd’hui, mieux vaut tard que jamais. c’est le plus beau compliment qu’on m’ait fait au sujet de mon travail.
    encore merci et bonne soirée
    JFM

    • Répondre nat 6 mai 2014 à 9 h 43 min

      Merci à vous…

    Répondre à nat