Do It Yourself

Centrer…

20 mars 2020
En travaillant l’argile, celle-ci nous révèle à nous même, elle nous forme en même temps que nous lui donnons forme . »     
Daniel de Montmollin

 

La baie vitrée est ouverte sur le jardin et je n’entends que le chant des oiseaux…

Étrange sensation que ce presque vide de sons humains, et si j’ignorais qu’une terrible pandémie en est la cause, je pourrais pleinement m’en réjouir.

Le silence… Le bourdonnement des premiers insectes annonçant le printemps. Mes ruches qui attendent sagement leurs essaims commandés pour mai et qui, je l’espère, pourront s’y installer si le confinement ne remet pas en cause leur livraison…

Je pourrais parler de toutes les émotions qui se bousculent en moi depuis que ce virus est entré dans nos vies à tous, mais il est déjà sur toutes les lèvres, sur toutes les ondes et tous les écrans, il se partage virtuellement à toutes les sauces, se discute, se raisonne et se déraisonne, inspirant tant les conspirationnistes que ceux qui refusent de croire qu’il est dangereux, alors je vais m’abstenir d’en parler malgré la profonde tristesse qu’il m’évoque, et laisser à ce billet les lignes qui peuvent encore rêver…

Centrage.  Un mot qui me porte depuis quelques années. Ou plutôt qui me supporte et à qui je confie la valse de ce qui se bouscule dans mon cœur, mon corps et mes pensées.

Chacun de nous, je pense, a sa manière de se centrer. Le calme. Le silence. Ou tout au contraire, le bruit, casque vissé sur les oreilles avec le rythme d’une musique bousculante. Le regard perdu sur l’horizon de ceux qui savent lire le temps, les heures et la nature. Le travail, pour ceux qui s’y plongent et font le choix de s’y noyer. L’indifférence pour ceux qui refusent de s’éparpiller et trouvent un refuge en eux-mêmes. L’amour pour ceux qui aiment écouter et entendre ce que peut murmurer le regard et la peau. Et tout un tas d’autres choix, désirs ou passions qui nous aident à trouver notre point d’équilibre. Celui qui nous parle le mieux.

La photographie est pour moi l’une des expressions du centrage qui m’est le plus salvateur. Pourtant, je n’y connais rien. Mon appareil photo et moi sommes deux étrangers l’un pour l’autre. Je n’ai aucune technique, aucune connaissance particulière des réglages et des possibilités que m’offrent mes objectifs et le boitier pro que je me suis pourtant offert il y a quelques années. Je suis plus à l’aise avec mon téléphone qui sait partager avec moi un regard particulier sur ce qui m’entoure et centre, l’espace d’un instant, ce qui bouleverse mon œil. Même si je publie peu de choses depuis que mon énergie a fondu comme neige au soleil l’année dernière, je continue de photographier tout ce qui me parle et je n’ai plus de place dans mes disques externes pour y stocker toutes mes photos…

Être solitaire et un peu sauvage est aussi une manière pour moi de me centrer. Ou plutôt, de me recentrer…

Quand trop d’émotions me débordent, toutes celles issues du passé, quand un trop plein de pulsations  vient me secouer l’esprit, je me glisse dans une bulle que je n’ai jamais vraiment quitté depuis mon enfance et je m’y sens à une place différente, mais plus sereine.

Et puis, il y a eu une rencontre, il y a deux ans, avec la terre…

La faïence. Le grès. La porcelaine…

La terre en pain. En motte. Lisse ou chamottée.

La terre rouge. La terre brune.

Il y eu ce contact si particulier dans l’ambiance d’un atelier poétique qui m’accueille toute les semaines depuis, le jeudi soir et certains week-end de stage. Une sorte de révélation douce. Une thérapie.

Au fil des semaines et des mois, un projet fou est né. Me former. Pour me reformer…

Passer des écrans de mon bureau aux tours d’une école. Bosser en tablier. Centrer. Tourner. Tournasser. Une respiration différente. Un accord. Une résonance. Un truc qui me parle en dedans quand je modèle la terre. Une alchimie… J’en avais viscéralement besoin…

Lorsque ce confinement sera enfin terminé pour tous, que les nouvelles offriront à nouveau des choses douces à partager, (en espérant que l’homme se souviennent que la planète a respiré sans lui et qu’il pourrait donc, sans pandémie, l’aider à respirer mieux et plus souvent…) je devrais reprendre le chemin de l’école pour six mois et passer mon CAP de céramiste. Un rêve qui deviendra bientôt, peut-être, ma réalité.

En attendant, je m’entraine… Mon four attends sagement d’être branché. Et moi j’attends sagement de pouvoir lui confier mes premières créations en terre crue, juste décorées d’engobes gravées…

Je pense à vous.

Je pense à tous.

Prenez soin de vous. Restez centrés. Restez chez vous…

A bientôt…

Partager ce billet

Vous aimerez aussi

Pas de commentaire

Laisser une réponse